METIERS D’AUTREFOIS : LES FORGERONS N’ONT PAS DIT LEUR DERNIER MOT

Ils domptent le feu comme personne, sculptent le métal au millimètre près, et redonnent ses lettres de noblesse à un artisanat séculaire. En France, ils ne sont qu’une poignée à perpétuer l’art ancestral de la forge. Ces artisans d’exception fabriquent, à la main, des couteaux sur-mesure : des pièces uniques, à la croisée du beau et de l’utile, que l’on s’offre comme un objet d’art.

La coutellerie artisanale connaît aujourd’hui un véritable renouveau, portée par une quête croissante d’authenticité, de durabilité et de savoir-faire local. On recense plus de 1 200 artisans couteliers dans l’Hexagone. Un chiffre encourageant, après des décennies de crises provoquées, entre 1980 et 2014, par l’arrivée massive de produits bon marché venus d’Asie.

En Provence-Alpes-Côte d’Azur, 13 couteliers et 22 ferronniers sont répertoriés, soutenus par des circuits touristiques, des salons spécialisés et des festivals dédiés aux métiers d’art. Une dynamique également bien ancrée en Occitanie, notamment dans l’Aveyron, où certaines maisons emblématiques ravissent les passionnés.

À Marseille, c’est au cœur du quartier du Panier que Jean-Pierre Ambrosino a installé son atelier. Forgeron d’art et compagnon du devoir, il a fait ses premières armes en réparant les serrures des églises. « Ce qui m’anime, c’est la maîtrise du feu et de l’acier », confie ce natif des quartiers Nord. « Je travaille à 75 % avec de l’acier japonais, réputé pour la finesse de son grain et la précision qu’il exige. Je forge sept jours sur sept, c’est une passion. Même si je me coupe et me brûle tous les jours, c’est comme être dans une cour de récréation ! Il y a un peu de mon ADN dans chaque pièce », plaisante-t-il.

Aujourd’hui, Jean-Pierre Ambrosino a ouvert une boutique dans le village d’Allauch, dans les Bouches-du-Rhône et un autre atelier à Sanary-sur-Mer, dans le Var. Et pourtant, il y a dix ans, il n’y croyait pas. C’est la recherche de pièces uniques par une clientèle exigeante qui a fait son succès et sans doute, aussi, sa personnalité. Car le coutelier le dit tout haut : « ce qui m’anime c’est le plaisir de la personne qui va posséder mon couteau, » synonyme pour lui de cuisine et donc de convivialité.

Ce maître d’art au tempérament bien trempé ne laisse rien au hasard : « On ne travaille pas l’acier de la même manière pour un couteau de cuisine ou pour un outil de coupe destiné au bois. Chaque lame a son exigence. » Ce qu’il recherche, avant tout, c’est l’émotion. « Je veux que mes couteaux soient aussi achetés comme on achète un tableau ou une œuvre de musée, pour être exposé. »

Et dans ce métier, la créativité est infinie.  Les manches de ses couteaux sont réalisés à partir de bois locaux, comme l’olivier ou le genévrier, ou de bois plus précieux comme l’ébène. Ils sont même parfois incrustés de pierres précieuses ou d’or, selon les désirs des clients.

« Je travaille avec mes deux fils, et j’invite les gens à venir nous voir. Chez nous, il y a une âme, de la chaleur humaine. Venez découvrir nos ateliers, voir les pièces prendre vie sous vos yeux », lance le maitre d’art.

Dans une époque marquée par la surconsommation, de plus en plus d’acheteurs se tournent vers une démarche plus consciente, privilégiant des objets durables et porteurs de sens. Des créations faites pour traverser les générations. Et dans l’univers des métiers d’art, les artisans réinventent chaque jour la tradition avec audace et passion, parce que leur imagination est sans limite !

Nathalie Chevance