Pastis : L’âme du Sud se réinvente

Symbole de soleil, de pétanque et de convivialité, le pastis incarne depuis près d’un siècle l’art de vivre méridional. Mais derrière son image ancrée dans les traditions, cette boisson anisée amorce une mue discrète mais bien réelle. Porté par une nouvelle génération de distillateurs, le « petit jaune » retrouve une seconde jeunesse.

Des origines anisées

Avant le pastis, il y avait l’absinthe, la fée verte, adulée par les artistes mais jugée trop enivrante et interdite en 1915. Dans le sillage de cette interdiction, plusieurs distillateurs marseillais imaginent une alternative plus douce et légale. Naît alors, au début du XXe siècle, une boisson à base d’anis étoilé (ou badiane), de réglisse, d’alcool neutre et de plantes aromatiques provençales telles que le fenouil ou le thym.

Le mot « pastis », issu du provençal pastisson, signifie tout simplement « mélange ». Une définition fidèle à l’esprit de cette création locale. Parmi les pionniers de cette alchimie, la maison Cristal Limiñana se distingue. Fondée il y a plus d’un siècle, elle figure aujourd’hui parmi les plus anciennes distilleries marseillaises encore en activité.

« Notre distillerie existe depuis quatre générations. Elle fait partie intégrante de l’histoire du pastis à Marseille », raconte avec fierté Maristella Vasserot, directrice générale de l’entreprise familiale, installée dans le 5e arrondissement.

Une appellation non protégée, mais encadrée

Contrairement à d’autres produits du terroir comme le vin ou le fromage, le pastis ne bénéficie d’aucune IGP (Indication Géographique Protégée). En clair : il peut être produit partout, à condition de respecter un cahier des charges strict. Celui-ci impose notamment un minimum de 40 % d’alcool, une combinaison aromatique à base d’anis et de réglisse, et l’interdiction d’utiliser des arômes artificiels.

« Nous restons fidèles à notre recette originelle : distillation de l’anis, ajout de réglisse, un soupçon de caramel, et un titrage à 45° pour un goût puissant et authentique », précise la dirigeante.

Chaque distillateur cultive ses propres dosages, ses secrets de fabrication. Résultat : une belle diversité de profils aromatiques, du plus classique au plus audacieux.

Un vent d’innovation

Face à cet engouement, des micro-distilleries fleurissent bien au-delà de Marseille. Dans les Alpes-de-Haute-Provence, l’Aude, Lyon ou même la Bretagne, des artisans revisitent le pastis dans des versions bio, végétales, ou épicées.

« Nous testons de nouvelles recettes comme on le fait pour les bières : pastis consensuel aux plantes de garrigue, plus épicé, ou encore infusé à la vanille et à la cannelle. On fabrique même des pastis sur mesure pour certains clients », confie la dirigeante de Cristal Limiñana.

Cette approche artisanale répond à une attente forte : celle de consommateurs soucieux de qualité, d’origine et de procédés locaux.

« Aujourd’hui, les amateurs lisent les étiquettes, cherchent la transparence et veulent soutenir les productions locales », ajoute-t-elle.

Avec plus de 400 000 bouteilles vendues par an, l’entreprise marseillaise tire son épingle du jeu dans un marché encore dominé par les grandes marques, mais où les artisans représentent déjà 10 % des ventes, avec une croissance à deux chiffres.

Le pastis de demain

Et la révolution ne s’arrête pas là. De plus en plus de distilleries proposent désormais du pastis sans alcool, voire sans sucre, pour s’adapter aux nouvelles pratiques de consommation plus saines.

Bref, le pastis, boisson de terroir et de mémoire, n’a pas dit son dernier mot. Entre respect des traditions et créativité contemporaine, il s’offre un nouvel avenir, bien ancré dans son époque.

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.

Nathalie Chevance.

Crédit photo : ©Clément Mahoudeau Ville de Marseille